Dans son autobiographie Eddy de Wind se met en scène sous le nom de Hans, jeune médecin qui se retrouve, avec son épouse Friedel, à Auschwitz en septembre 1943. Dans l’extrait ci-dessous, qui est d’une violence indicible, il vient d’assister à une sélection au Revier où il travaille. Son ami Zimmer, un Polonais, essaie de le distraire de son désespoir. La folie meurtrière des nazis y est décrire avec des mots simples, efficaces. Il fait allusion à la « shoah par balles » menées par les Einsatzgruppen (groupes d’intervention) qui étaient les unités mobiles SS d’extermination du Troisième Reich dans les pays de l’Est (Pologne, pays baltes, Ukraine, Biélorussie, Russie).

Terminus Auschwitz, pages 133-134 :
Tout était prêt. Les bâches des camions avaient été rabattues, un SS avait grimpé à l’arrière et le convoi allait partir d’un moment à l’autre pour Birkenau. Hans serrait les mains sur l’appui de fenêtre. Les Polonais discutaient, d’un lit à l’autre, bruyamment. Hans aurait voulu crier, poussé par le vague espoir que quelqu’un pourrait l’entendre et sauver les condamnés. Aucun son ne passa ses lèvres. Des larmes silencieuses jaillirent de ses yeux. C’est alors qu’un bras se posa sur lui. C’était Zimmer, le gros Polonais originaire de Poznań.
— Ben oui, mon garçon, ils n’auront plus à se plaindre. Le calvaire, c’est fini pour eux.
Hans tremblait. Zimmer le sentit.
— Allons, ne te laisse pas abattre. Tu n’es pas du tout dans le même cas. Tu n’es pas trop mal loti ici, avec nous, dans cette chambrée. Tu es jeune et fort, et le médecin-chef t’aime bien.
— Vous avez raison, Zimmer. Pourtant, ce n’est pas à moi que je pense mais à tous ces gens qui vont si bêtement à l’abattoir.
Zimmer esquissa un sourire.

Eddy de Wind
— Des milliers, des millions y sont déjà allés. Est-ce que tu as pleuré ? Maintenant que tu as le nez dessus, alors seulement tu es tout retourné. Mais je ne t’en veux pas, va. Tu en as encore si peu vu. Quand les Allemands ont envahi notre pays, en 1939, ils sont entrés dans les maisons des Juifs. Ils ont entassés les hommes pour les transporter dans des camps de travail. Et ils ont violé les femmes. Malgré leurs propres lois de « pureté de la race ». Mais ils s’en fichaient. Je les ai vus attraper des jeunes enfants par les pieds et leur fracasser la tête contre un arbre ou un chambranle de porte. C’était la mode à l’époque. Chaque année, il semble d’ailleurs y avoir une nouvelle mode chez les SS. En 1940, le grand truc, c’était de s’y mettre à deux pour littéralement écarteler les gosses. En 41, ils prenaient un baquet d’eau et y enfonçaient la figure du gamin. Le pauvre petiot se noyait dans dix centimètres d’eau. Ces derniers temps, ils se sont un peu calmés. Maintenant, ils liquident les Juifs avec du gaz et exterminent les gens de manière beaucoup plus systématique.
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Dans d’autres billets, je reviendrai plus en détail sur ce que fut la « Shoah par balles ».
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